La CSRD : définition, entreprises concernées, processus de reporting
I. La CSRD, qu'est ce que c'est ?
Entrée en vigueur au sein de l’Union européenne (UE) en janvier 2024, la Corporate Sustainability Reporting Directive (“CSRD”) représente un élargissement significatif du périmètre de reporting extra-financier obligatoire des entreprises au sein de l’Union Européenne l’UE.
En effet, la CSRD viendra remplacer la directive précédente sur le reporting extra-financier, la Non-Financial Reporting Directive (“NFRD”) et a pour objectif de :
- Etendre le nombre d’entreprises soumises au reporting extra-financier.
- Etendre l’ensemble des informations extra-financières dont le reporting est obligatoire.
- Standardiser les pratiques de reporting.
Cet article a pour objectif d’identifier les principales évolutions mises en place par la CRSD par rapport à la NFRD mais également de revenir sur le détail du processus de reporting en portant une attention particulière sur la norme Changement climatique (ESRS E1).
II. Les principales évolutions de la CSRD
2.1 Le nombre d'entreprises soumises
La CSRD entrera progressivement en application (1 et 3 ans) à compter du 1er Janvier 2024. Il est prévu une application différée selon les catégories d’entreprises concernées.
Calendrier de mise en application de la CSRD (source : AMF)- sera mis à jour dès le 1er janvier 2024 pour prendre en compte les seuils relevés de la Directive comptable (Directive 2013/34/UE) amendée
Mise à jour Ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023 relative la publication et la certification d’informations en matière de durabilité et aux obligations environnementales, sociales et de gouvernement d’entreprises des sociétés commerciales :
Il est créé en droit français afin de réaliser une transposition effective de la CSRD des définitions communes concernant les différences de sociétés et de groupe qui permet également d’anticiper le relèvement des seuils prévus par la Directive comptable (Directive 2013/34/UE) amendée qui sera normalement applicable dès le 1er janvier 2024 (cela sera confirmé à l’expiration du délai de 2 mois suivant la notification de la directive déléguée à savoir le 18 décembre 2023 (Article 7 de l’Ordonnance)). Pour rappel, les seuils seront relevés de 25% (par exemple pour la catégorie Autres Grandes entreprises européennes et non européennes le total bilan passerait de 20 à 25 millions d’euros et le chiffre d’affaires de 40 à 50 millions d'euros) ce qui a pour conséquence de modifier le nombre d’entreprises concernées par les exigences de la CSRD (diminution du nombre d’entreprises qualifiées de grandes entreprises par exemple).
2.2 L'étendue des informations
Le champ thématique de la CSRD est volontairement large et couvre l’environnement, les aspects sociaux et la gouvernance (ESG). L’information attendue est précisée et encadrée au sein des normes européennes de durabilité obligatoires (ESRS) développées par l’European Financial Reporting Advisory Group (EFRAG). Un premier jeu de douze normes a été proposé par l’EFRAG.
Parmi ces normes, L'ESRS 2 fait l’objet d’une obligation universelle de reporting. En effet, toutes les entreprises devront communiquer à la fois des informations et principes généraux. Le reporting sur les normes qui ne font pas l’objet d’une obligation universelle de reporting est soumis à une analyse de double matérialité.
Au-delà du reporting obligatoire universel, les entreprises devront définir la pertinence des normes ESRS supplémentaires en fonction de l’impact des catégories de durabilité sur leur performance financière (matérialité financière) et de l’impact de l’entreprise sur les catégories de durabilité des ESRS (matérialité d’impact).
Les différentes normes ESRS en fonction des obligations de reporting (Source : EFRAG)
2.3 Focus sur le module climate change
La norme ESRS E1, qui concerne le changement climatique uniquement : si une entreprise conclut que le changement climatique n'est pas un sujet essentiel et qu'elle n'établit donc pas de rapport conformément à cette norme, elle doit fournir une explication détaillée des conclusions de son évaluation de l'importance relative en ce qui concerne le changement climatique.
Le reporting sur l'ESRS 1, doit respecter les éléments ESRS 2 et la méthodologie définie dans l'ESRS 1.
Informations à publier dans le cadre de la norme ESRS E1 - Changement climatique
III. Processus de reporting
3.1 Etude de matérialité
Illustration du principe de double matérialité
- Un exercice obligatoire en soi
L’ESRS 2 - Informations générales rend obligatoire de façon universelle la publication des impacts, les risques et les opportunités matériels en lien avec la stratégie de l’entreprise et son modèle d’affaires. Elle rend aussi obligatoire la description du processus par lequel les entreprises identifient et hiérarchisent leurs indicateurs Impacts, risks and opportunities (IROs).
- Un exercice qui détermine les obligations de reporting des entreprises concernées
Comme vu précédemment, la CSRD est composée de normes obligatoires de façon universelle et de normes obligatoires en fonction de la matérialité de l’entreprise concernée.
Exemple : une entreprise ayant un impact matériel sur l’eau ou dont le modèle d’affaire repose sur la ressource en eau se trouve dans l’obligation de publier des informations relatives à l’ESRS 2 - Informations générales.
Obligations de reporting en fonction de la matérialité des entreprises dans le cadre de la CSRD
3.2 Modalités de reporting
- Publication des informations dans le rapport de gestion des entreprises, soit dans une section consolidée, soit dans quatre parties distinctes (informations générales, E, S, G), soit par incorporation par référence (ex : ESRS E1-1, paragraphe 1)
Mise à jour 6 décembre 2023, Ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023 relative la publication et la certification d’informations en matière de durabilité et aux obligations environnementales, sociales et de gouvernement d’entreprises des sociétés commerciales : En France, L’ordonnance modifie les règles relatives à la DPEF (Déclaration de Performance Extra-financière pour y substituer l’obligation de publication d’informations en matière de durabilité. Les informations de durabilité seront encore plus conséquentes pour respecter les exigences de reporting de durabilité de la CSRD au sein du rapport de gestion. - Digitalisation du rapport de gestion - dont le reporting de durabilité (déclaration ESG) - et mise à disposition obligatoire sous un format lisible électroniquement (XHTML), accès à définir localement
- “Tagging” de l’information de durabilité au sein du point d’accès unique européen (ESAP), portail informatique qui devrait être opérationnel fin 2024
- Clarification de la responsabilité de la direction et des organes de gouvernance, dont le comité d’audit (conformité, efficience des systèmes de contrôle interne et risk management, digitalisation…)
3.3 La vérification par un tiers
Pour garantir un niveau élevé de qualité des données, le CSRD exigera l’audit d'une tierce partie sur les données communiquées dans le rapport de durabilité. À partir de 2025, une assurance limitée sera exigée. La Commission européenne étudiera la possibilité d'exiger une assurance raisonnable (une forme d'audit plus solide) à partir de 2028.
Les normes spécifiques d'assurance doivent encore être élaborées par la Commission européenne. Il a été établi que les États membres de l’Union Européenne peuvent mettre en place leurs propres normes si elles ne font pas double emploi avec celles de la Commission.
La directive 2006/43/CE sur l'audit a déjà établi des exigences pour les auditeurs qui effectueront des contrôles pour le compte d'une tierce partie. Le CSRD devrait inclure des dispositions permettant aux auditeurs qualifiés avant 2024 d'acquérir les connaissances théoriques nécessaires pour réaliser des audits sur les nouveaux types de rapports.
L'audit doit être effectué par des contrôleurs légaux des comptes agréés par l'autorité compétente du pays membre. Toutefois, la législation permet aux États membres d'autoriser des prestataires de services d'assurance indépendants. Les auditeurs indépendants doivent respecter les exigences équivalentes spécifiées dans la directive sur l'audit 2006/43/CE.
Mise à jour 6 décembre 2023 : Transposition CSRD en France par l’ordonnance : Ordonnance no 2023-1142 du 6 décembre 2023 relative à la publication et à la certification d’informations en matière de durabilité et aux obligations environnementales, sociales et de gouvernement d’entreprise des sociétés commerciales.
Au sein du chapitre 2 de l’Ordonnance, il est spécifié que la vérification par un tiers pourra être effectuée soit par un commissaire aux comptes (dont la profession voit ses obligations et règles modifiées) soit un prestataire d’assurance indépendant (PSAI). Ils seront supervisés par la Haute autorité de l’audit (H2A) qui est créée et seront obligés de suivre des formations.
3.4 Les sanctions
Mise à jour 6 décembre 2023 : La France étant la première à transposer la CSRD a choisi des sanctions qui remplissent les critères suivants : effectives, proportionnées, dissuasives conformément aux indications contenues au sein de la directive elle-même. Celles-ci inciteront les entreprises concernées à se mettre en marche rapidement pour établir les prochains rapports de durabilité.
Tout d’abord, il sera possible pour toute personne de demander en justice la communication des rapports (sous astreinte) (article 10 de l’Ordonnance).
En cas de non publication du rapport de durabilité, une interdiction pour les entreprises concernées d’accéder à la commande publique (appels d’offres) doublée possiblement d’une amende (à venir par décret) pourra être prononcée.
En cas d’absence d’audit des informations de durabilité (article 15 de l’Ordonnance), les sanctions seront les suivantes : amende jusqu’à 30.000 euros et jusqu’à 2 ans d’emprisonnement.
En cas d’entrave à l’audit (article 15 de l’Ordonnance), les sanctions seront plus lourdes : amende jusqu’à 75.000 euros et jusqu’à 5 ans d’emprisonnement.
IV. Prochaines étapes
4.1 Prochaines étapes de la législation
L'EFRAG élabore actuellement un deuxième ensemble de normes ESRS, qui sera soumis au 31 Juillet 2023 et approuvé par l'Union Européenne en juin 2024. Ce deuxième ensemble se concentre sur les normes pour les PME cotées, pour les entreprises non-européennes dont le chiffre d'affaires est supérieur à 150 millions d'euros, ainsi que sur les normes sectorielles suivantes :
- Agriculture,
- Exploitation du charbon,
- Exploitation minière,
- Pétrole et gaz (en amont),
- Pétrole et gaz (en aval),
- Production d'énergie,
- Transport routier,
- Production de véhicules à moteur,
- Alimentation/boissons,
- Textile.
ClimateSeed, acteur fournissant des solutions aux entreprises pour engagé dans la lutte contre le changement climatique et l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone globale, annonce sa participation au Salon Produrable, les 12 et 13 Septembre 2023. Pour la 3ème année consécutive, ClimateSeed rejoint cet événement professionnel phare dans l’agenda du Développement Durable et de la RSE en Europe.
La Commission européenne a publié le 12 juin 2023 un projet d’acte délégué accompagné d’une annexe qui complète la directive comptable telle que modifiée par la CSRD. Ce projet d’acte délégué définit les normes européennes de reporting de durabilité (European Sustainability Reporting Standards – ESRS) applicables aux entreprises européennes ; il comprend deux normes transversales et dix normes couvrant les sujets environnementaux, sociaux et de gouvernance ; il est ouvert aux avis pendant une période de quatre semaines, soit du 9 juin au 7 juillet 2023.
4.2 Comment se préparer au reporting CSRD dès aujourd'hui ?
- Pré-identifier vos thèmes de durabilité : l’implication de la gouvernance de votre entreprise est essentielle. Dans sa rédaction actuelle, l’EFRAG indique que c'est « le board » de l'entreprise qui doit identifier les sujets de durabilité et les structurer avant d'effectuer l'évaluation de la matérialité, sur la base à venir des thèmes ESG fournis par la CSRD.
- Consulter vos parties prenantes : afin d’anticiper l’analyse de double matérialité, vous pouvez dès aujourd’hui consulter vos parties prenantes sur vos enjeux ESG afin de gagner en maturité et capitaliser sur des processus de concertation. (ex : pour vous inspirer, vous pouvez consulter la matrice de matérialité du Groupe Renault p. 116 “Un dialogue permanent avec nos parties prenantes”)
- Réaliser votre bilan GES : si vous n’avez jamais réalisé un bilan GES, nous vous recommandons de réaliser un premier exercice dès 2023 sur l’année 2022. En effet, un premier bilan GES vous permettra de structurer vos données et votre processus de collecte de données dès aujourd’hui afin de pouvoir vous concentrer sur des tâches plus complexes en 2024 : définition d’un plan d’action de réduction type Science Based Target (SBT), évaluation des risques physiques et de transition…
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