SBTi V2: Décryptage des changements dans le draft Corporate Net-Zero Standard

9 min
15 mai 2025 16:57:47
Décryptage de la norme Corporate Net-Zero Standard V2.0 du SBTi
6:15

La Science Based Target Initiatives (SBTi), qui mobilise le secteur privé pour mener la lutte contre le changement climatique, a lancé une version préliminaire de sa norme révisée Corporate Net-Zero Standard V2. La norme SBTi Corporate Net-Zero est un cadre qui aide les entreprises à fixer des objectifs crédibles, « fondés sur la science », pour parvenir à des émissions nettes de GES de zéro.

Avec la version 2.0, mise à jour et améliorée, la SBTi vise à développer une norme solide et pratique qui permette à davantage d'entreprises d'atteindre leurs objectifs en matière de climat. Le nouveau Corporate Net-Zero Standard se veut à la fois pragmatique et progressif, en introduisant des changements dans l'approche pour toutes les émissions des Scopes 1, 2 et 3. Ce projet est actuellement ouvert à la consultation publique jusqu'au 1er juin 2025.

Alors que la pression mondiale pour agir augmente, cette version révisée représente une opportunité cruciale pour les entreprises de renforcer leurs stratégies net-zéro. Cet article propose une analyse approfondie des principaux changements proposés dans le Draft Corporate Net Zero Standard V2.0.

Qu'est-ce qui a motivé a révision du cadre actuel ?

Le paysage climatique évolue rapidement avec la mise à jour des réglementations tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'UE. Les exigences en matière d'établissement de rapports font l'objet de révisions majeures dans le cadre du paquet Omnibus pour la CSRD. Dans le même temps, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a finalisé son sixième rapport d'évaluation (AR6), qui rassemble les contributions de centaines de scientifiques du monde entier pour fournir une évaluation complète du changement climatique.

En plus, selon le dernier rapport du PNUE sur l'écart des émissions, nous sommes toujours en voie d'atteindre une augmentation de 2,6° C au cours de ce siècle. De nombreuses entreprises peinent à atteindre leurs objectifs de neutralité carbone d'ici à 2030. Dans ce contexte changeant, la SBTi a introduit une version révisée de ses normes Corporate Net-Zero afin de passer de l'ambition à l'action et d'aider les entreprises à suivre et à rendre compte de leur empreinte carbone de manière plus efficace.

Changements majeurs

Synthèse des changements proposés dans la version 2.0

Table-1

1. Approche du cycle de vie complet

Le nouveau modèle de validation utilise un cadre de bout en bout, marquant un changement significatif par rapport aux critères unifiés de la V1 vers de nouvelles catégories basées sur la taille de l'entreprise et la géographie, ce qui le rend plus inclusif au niveau mondial. La catégorie A couvrira les grandes et moyennes entreprises opérant dans des zones géographiques à hauts revenus. Ces entreprises ne bénéficieront d'aucune concession, ce qui réaffirme l'importance accordée par la SBTi à l'action en faveur du climat. Les PME opérant dans des zones géographiques à faibles revenus sont placées dans la catégorie B et bénéficieront d'une plus grande flexibilité. Cela motivera les PME qui n'ont jamais soumis leur candidature à la « validation des objectifs ».

2. Séparation des Scopes 1 et 2

Un autre changement important observé dans la V2 est la séparation des objectifs de Scope 1 et Scope 2. Auparavant, les objectifs des Scopes 1, 2 et 3 étaient combinés. Désormais, des objectifs distincts sont requis pour chaque scope. L’objectif principal de cette séparation est d’améliorer la transparence, car les émissions de Scope 1 pouvaient auparavant être masquées par les chiffres élevés du Scope 2.

  • Scope 1 (Émissions Directes) : Les entreprises doivent déclarer les émissions annuelles de Scope 1 à partir de 2020, en suivant de manière cumulative les émissions au fil du temps. Les émissions de Scope 1 proviennent de sources entièrement contrôlées par l'entreprise. Ainsi, 100 % de ces émissions doivent être couvertes par l’objectif.

  • Scope 2 (Émissions Indirectes) : Les entreprises doivent fixer un objectif basé sur les émissions moyennes du réseau (émissions de CO2 par kWh de toute l’électricité produite sur un réseau électrique donné). En complément, elles peuvent définir un objectif basé sur l’électricité renouvelable achetée (marché) ou opter pour un objectif d’électricité zéro carbone. Cette nouvelle catégorie permet une approche plus large, incluant l’énergie nucléaire et hydraulique. Les objectifs doivent couvrir 100 % des émissions de Scope 2. Par le passé, les entreprises achetaient souvent des certificats d’énergie renouvelable (RECs) ou des garanties d’origine (GOs) bon marché et non associés, ce qui ne contribuait pas à la décarbonation du réseau qu’elles utilisaient. C’est pourquoi la SBTi propose désormais un alignement géographique et temporel (le lieu et le moment des déclarations énergétiques doivent correspondre à l’utilisation réelle de l’énergie) afin d’éviter le greenwashing.

Ces changements visent à renforcer la crédibilité de la comptabilisation du Scope 2 et à garantir qu’elle est alignée avec les réductions réelles des émissions.

Changements majeurs dans le Scope 3 

Afin d'encourager la fixation d'objectifs Scope 3 fondés sur des données scientifiques et d'inciter les entreprises à prendre en compte l'ensemble de l'impact de leur chaîne de valeur, la SBTi a resserré les règles relatives au Scope 3. Les entreprises ne pourront plus utiliser les lacunes du Scope3 en faisant des déclarations faibles ou indirectes. Le Draft Corporate Net-Zero Standard V2 propose que les objectifs soient désormais alignés sur la trajectoire de 1,5°C. Dans la version précédente, les entreprises pouvaient s'aligner sur la trajectoire de 1,5°C. Dans la version précédente, les entreprises pouvaient aligner les émissions du Scope 3 bien en dessous de la trajectoire 2°C. Alors qu'elles devaient auparavant couvrir 67 % de leurs émissions, les entreprises sont désormais tenues de couvrir au moins 90 % des émissions totales du Scope 3 à l'intérieur de leur périmètre cible. Pour les grands émetteurs (technologie, pharmacie, biens de consommation, mode, automobile), il sera impératif de cibler toutes les émissions en amont et en aval.

Le format de fixation des objectifs a subi un changement critique : des objectifs distincts et explicites concernant le Scope 3 sont obligatoires, ce qui met en évidence une responsabilité claire. En outre, les entreprises doivent fixer des objectifs à court terme et à long terme pour les émissions du scope 3. Pour les entreprises de la catégorie A, les émissions du scope 3 sont obligatoires, tandis que pour celles de la catégorie B, ces émissions sont facultatives mais recommandées.

Une nouvelle option « Alignment Target Setting » a été introduite, permettant aux entreprises de fixer des objectifs dans lesquels leurs clients et fournisseurs sont en ligne avec les trajectoires approuvées par la SBTi (trajectoires de réduction des émissions scientifiquement dérivées). Cette disposition a pour but d'inciter les fournisseurs à fixer leurs propres objectifs fondés sur des données scientifiques et conformes à l'objectif de 1,5°C.

En outre, les entreprises ne peuvent pas comptabiliser les compensations ou les crédits carbone pour atteindre les objectifs du champ d'application 3. Cette mesure contribue également à la prévention de l'écoblanchiment.

Émissions résiduelles

Dans la trajectoire vers le net-zéro, les émissions résiduelles représentent la part finale et plus réduite à traiter. Les entreprises ne peuvent pas se déclarer net-zéro tout en émettant encore des émissions résiduelles à grande échelle. La neutralisation des émissions résiduelles est une étape essentielle pour valider le net-zéro.

Les émissions résiduelles sont définies par le SBTi comme « des émissions qui subsistent après qu'une entreprise a mis en œuvre toutes les mesures de décarbonation techniquement et économiquement faisables ». Par exemple : les émissions issues des processus chimiques dans les industries lourdes, le méthane (CH4) et le protoxyde d'azote (NO2) dans l'industrie agroalimentaire, ou les émissions de processus liées à la calcination du calcaire dans l'industrie du ciment.

Il est conseillé aux entreprises de recourir à l'absorption du carbone, comme le captage direct dans l'air, la séquestration du carbone dans le sol, le boisement, pour neutraliser ces émissions dans leur chaîne de valeur. Ces absorptions doivent être conformes à la hiérarchie des mesures d'atténuation. Dans la V1, SBTi a autorisé 5 à 10 % d'émissions résiduelles à zéro net. Pour la V2, le pourcentage n'a pas encore été finalisé. Cependant, il est probable que la SBTi fasse pression pour des résidus plus faibles dans la mesure du possible. Pour la SBTi, la décarbonisation directe reste une priorité, et il déconseille de s'appuyer fortement sur l'élimination.

Hiérarchie typique de l'atténuation dans la SBTi : ordre de priorité des actions à suivre par les entreprises

  1. Réduire les émissions au sein de la chaîne de valeur
  2. Neutraliser les résidus par l'élimination du carbone
  3. BVCM

Renforcer le rôle de la Beyond Value Chain Mitigation (BVCM)

Le projet de norme « Net-Zero » V2 pour les entreprises définit des attentes plus fortes en matière d'atténuation au-delà de la chaîne de valeur (BVCM), tout en conservant son statut facultatif. Les entreprises sont désormais encouragées à considérer l'atténuation au-delà de la chaîne de valeur comme une partie intégrante de leur parcours net-zéro. Il reste clair que l'atténuation au-delà de la chaîne de valeur est destinée à compléter la décarbonisation, qui reste la priorité absolue. En outre, le projet clarifie les types d'interventions d'atténuation acceptables, y compris le financement d'activités telles que les absorptions naturelles, les absorptions de carbone par ingénierie et les projets d'évitement d'émissions à haute intégrité dans des secteurs ou des régions en dehors de leur propre empreinte. La SBTi encourage l'utilisation de crédits carbone pour soutenir l'action du BVCM. L'engagement dans le BVCM devient un indicateur d'un engagement sérieux de la part des principaux acteurs.

Concernant les crédits carbone

Bien que la décarbonisation soit le principe fondamental défendu par la SBTi pour atteindre l'objectif net zéro, il ne néglige pas l'importance et le rôle nécessaire des crédits carbone dans ce parcours. Le message de la SBTi est clair et simple pour les entreprises : Les crédits carbone ne peuvent pas être utilisés pour atteindre des objectifs scientifiques, mais ils doivent être utilisés pour neutraliser les émissions résiduelles à zéro et pour le BVCM. La V2 met l'accent sur la qualité et l'intégrité des crédits carbone, qui doivent être vérifiables et permanents.

Conclusion

Le nouveau Corporate Net-Zero Standard V2 de SBTi renforce la responsabilité des entreprises en matière de climat. En clarifiant les règles relatives au Scope 3, en introduisant un nouveau cycle complet, en élevant les attentes concernant les résidus et le BVCM, elle renforce le fait que la décarbonisation profonde reste au centre des préoccupations. La réduction des émissions n'est pas négociable et doit être associée à juste titre à des absorptions crédibles. La V2 indique clairement que les stratégies crédibles de réduction nette à zéro doivent s'étendre au-delà des frontières de l'entreprise, en impliquant l'ensemble de la chaîne de valeur et en soutenant les effets d'atténuation à l'échelle mondiale.

Le projet de norme révisée continue de mettre l'accent sur la réduction des émissions tout en explorant les incitations à accroître le financement de la lutte contre le changement climatique et l'absorption du carbone. Dans le même temps, il ouvre des portes aux entreprises des économies émergentes en simplifiant la définition des objectifs et en introduisant un modèle de validation plus inclusif pour reconnaître ceux qui font preuve d'une réelle ambition et de progrès mesurables. La V2 de SBTi vise à permettre aux entreprises de prendre des mesures plus audacieuses et plus efficaces pour atteindre l'objectif « zéro émission nette », en suscitant un véritable changement dans tous les secteurs et en renforçant la nécessité d'une action climatique urgente et concertée.

À Propos de ClimateSeed

ClimateSeed est une entreprise engagée dans l'action climatique, qui aide les organisations à prendre des mesures au sein de leur chaîne de valeur et au-delà.

Soutenue par le fonds d'impact d'AXA Investment Managers, elle est le partenaire de confiance des organisations qui souhaitent contribuer à la neutralité carbone mondiale. ClimateSeed offre deux services :

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Depuis 2018, ClimateSeed a accompagné plus de 200 organisations dans leur décarbonisation et poursuit son développement à l'international pour maximiser son impact.

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Q&A

Quels sont les avantages pour les entreprises de se conformer aux normes Net-Zero du SBTi ?

Le respect des normes Net-Zero de l'initiative Science Based Targets (SBTi) permet aux entreprises de démontrer un engagement crédible dans la lutte contre le changement climatique, renforçant ainsi leur réputation auprès des clients, des investisseurs et des autres parties prenantes. En adoptant ces normes, les entreprises peuvent atténuer les risques liés aux futures réglementations, anticiper les demandes du marché et se positionner en tant que leaders dans la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. En outre, elles peuvent identifier les possibilités d'innovation et d'efficacité énergétique, ce qui peut conduire à des économies de coûts à long terme.

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