Législation Omnibus : vers une simplification de la CSRD ?

5 min
17 févr. 2025 12:01:58
Législation Omnibus et CSRD : que doivent savoir les entreprises ?
9:59

CSRD : contexte de la législation Omnibus envisagée

Depuis l'introduction du Pacte vert européen (PVE) en 2019, la Commission européenne a été confrontée à plusieurs défis en raison de la nature vaste et ambitieuse de ses propositions visant à réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre (GES). Certains secteurs ont jugé certaines mesures trop contraignantes, ce qui a entraîné des résistances et des retards de mise en œuvre.

De nombreux règlements du PVE se concentrent sur la surveillance des entreprises et de leurs activités tout au long de la chaîne de valeur. Compte tenu de la complexité de ces mesures de durabilité, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé en novembre 2024 le prochain paquet Omnibus (anciennement connu sous le nom de paquet de simplification Omnibus). Son objectif principal est de rationaliser et d'harmoniser les différentes normes de reporting ESG, en allégeant notamment le fardeau financier et opérationnel des petites et moyennes entreprises (PME) en matière de déclarations extra-financières. Les principaux cadres concernés par cette initiative sont la directive sur la Directive relative à la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises, la Corporate Sustainability Reporting Directive (la CSRD), la Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CS3D) et la taxonomie verte européenne.

Pour une meilleure compréhension des objectifs de la législation Omnibus, voici un bref aperçu de ces réglementations :

  • CSRD: remplaçant la directive sur la publication d'informations non financières (NFRD), cette norme de reporting extra-financier, en vigueur depuis janvier 2024, oblige les entreprises à divulguer des informations détaillées sur leurs performances environnementales, sociales et de gouvernance (ESG). Renforcée par les normes européennes de reporting sur la durabilité (ESRS) en 2023, elle s'applique aux grandes entreprises et aux PME cotées de plus de 250 employés.

  • CS3D: adoptée par le Parlement européen le 5 juillet 2024, la CS3D oblige les entreprises à identifier et à atténuer les risques environnementaux et liés aux droits humains tout au long de leurs chaînes d'approvisionnement. Elle s'applique principalement aux grandes entreprises européennes et non européennes opérant sur le marché de l'UE, et promeut une conduite responsable des entreprises. 

    Les États membres ont jusqu'au 26 juillet 2026 pour transposer cette directive en droit national. Son application progressive suivra ce calendrier :

    • À partir de juillet 2027 : entreprises de l'UE de plus de 5 000 employés et 1 500 millions d'euros de chiffre d'affaires mondial.

    • À partir de juillet 2028 : entreprises de l'UE de plus de 3 000 employés et 900 millions d'euros de chiffre d'affaires mondial.

    • À partir de juillet 2029 : entreprises de l'UE de plus de 1 000 employés et 450 millions d'euros de chiffre d'affaires mondial.

  • Taxonomie verte européenne : En vigueur depuis juillet 2020, ce système de classification aide les investisseurs à déterminer quelles activités économiques sont durables sur le plan environnemental. Il aide également les entreprises soumises aux obligations de la CSRD à identifier et à déclarer les activités durables.

Qu'est ce que la législation Omnibus ?

Le 8 novembre 2024, la Déclaration de Budapest sur le nouveau pacte européen pour la compétitivité a été présentée afin d'améliorer la compétitivité mondiale de l'UE face aux défis géopolitiques et économiques actuels. Un élément central de cette déclaration était la "révolution de la simplification", qui vise à réduire les charges administratives, réglementaires et de reporting d'au moins 25 % pour toutes les entreprises et de 35 % pour les PME. Cette initiative oblige les institutions nationales et locales à créer des règles plus simples et à accélérer les procédures administratives.

Pour mettre en œuvre cet effort de simplification, une commission dédiée coordonnera et identifiera les méthodes de rationalisation des procédures. Le paquet Omnibus est un élément clé de cette initiative. Par exemple, le paquet Omnibus se compose de trois sous-paquets, chacun ayant des objectifs spécifiques. Le premier paquet Omnibus (prévu pour le 26 février 2025) se concentre sur la simplification du reporting extra-financier, en particulier dans la finance durable (CSRD), le devoir de diligence (CS3D) et la taxonomie.

Outre le premier sous-paquet, le reste du paquet Omnibus vise à :

  • Éviter de décourager l'investissement : la Commission suggère d'aligner les exigences de divulgation des entreprises sur les attentes des investisseurs afin d'assurer la clarté et de réduire les efforts inutiles.

  • Prévenir un reporting excessif pour les PME : un mécanisme de "ruissellement" est proposé pour protéger les petites entreprises dans la chaîne de valeur des grandes entreprises, en veillant à ce qu'elles respectent les obligations minimales de reporting sans complexité inutile.

  • Introduire une nouvelle catégorie d'entreprises de taille intermédiaire : une nouvelle classification, "petites ETI", définirait les entreprises plus grandes que les PME mais plus petites que les grandes entreprises. Cela vise à alléger la pression réglementaire en appliquant des mesures de simplification similaires à celles conçues pour les PME.

En fin de compte, le paquet Omnibus cherche à rationaliser les exigences de reporting pour les moyennes et petites entreprises, réduisant ainsi leurs charges financières et opérationnelles. Un "test de compétitivité des PME" proposé sera une méthodologie à long terme, pour évaluer en permanence les conditions des entreprises et recommander des mesures de simplification supplémentaires.

La législation Omnibus et le position de l'UE

La législation Omnibus a été proposée en réponse aux appels de la Commission européenne et de plusieurs États membres de l'UE.

Les exigences de divulgation extra-financière de la CSRD ont rencontré une résistance de la part de certains pays. Actuellement, 17 États membres, dont l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Espagne et le Portugal, font l'objet de procédures d'infraction pour ne pas avoir transposé la CSRD dans les délais.

L'Allemagne, en particulier, a demandé des réductions importantes des obligations de reporting, préconisant des exemptions sectorielles et la consolidation de plusieurs rapports en un seul cadre.

Les États membres ont également exprimé des préoccupations concernant :

  • Taxonomie : la France a proposé de simplifier les exigences de reporting et de réduire la quantité d'informations requises pour maintenir l'efficacité.

  • CS3D : bien qu'elle ne soit pas encore en vigueur, certains pays ont appelé à une réduction de sa portée pour faciliter un soutien plus large. Les inquiétudes concernant les sanctions sévères en cas de non-conformité, qui pourraient atteindre 5 % du chiffre d'affaires mondial d'une entreprise, ont alimenté le débat sur sa mise en œuvre.

Quelles sont les prochaines étapes ?

Les spéculations restent vives quant aux dispositions finales de la législation Omnibus, qui seront officiellement dévoilées le 26 février 2025. Bien que les normes de reporting et les exigences d'application puissent changer, les entreprises doivent continuer à se conformer aux obligations existantes. Les entreprises devraient se concentrer sur :

  • La réalisation d'une analyse de double matérialité
  • L'élaboration d'une évaluation complète de l'empreinte carbone
  • La mise en œuvre de processus efficaces de collecte de données ESG
  • Le suivi de l'évolution des exigences réglementaires

Au-delà de ces actions immédiates, le débat plus large sur les réglementations en matière de durabilité se poursuit. Le fardeau financier de la conformité et l'urgence de la neutralité carbone pourraient conduire à de nouveaux ajustements des exigences ESG.

Par exemple, si la France reste favorable aux réglementations en matière de durabilité, notamment par le biais d'organisations comme l'Association Française des Entreprises Privées (AFEP), d'autres pays de l'UE ont appelé à réduire, voire à supprimer certaines déclarations extra-financières. En octobre 2024, l'ancien Premier ministre français a proposé un moratoire sur la conformité à la CSRD, cherchant à retarder les réglementations ESG de deux à trois ans.

Au-delà du 26 février, le programme de travail 2025 de la Commission européenne, récemment publié, prévoit d'autres paquets Omnibus qui devraient tous être publiés au premier trimestre 2025 :

  • Omnibus I : simplification des rapports extra-financiers (CSRD, CS3D et taxonomie).

  • Omnibus II : axé sur la simplification des processus de reporting pour stimuler les investissements stratégiques.

  • Omnibus III : vise à mieux définir la catégorie des entreprises de taille intermédiaire afin d'alléger les pressions réglementaires sur ces entreprises.

Ces discussions mettent en évidence un clivage croissant au sein de l'UE en ce qui concerne les réglementations ESG. Alors que l'incertitude demeure, les entreprises doivent se tenir informées, assurer leur conformité tout en se préparant à d'éventuels changements réglementaires qui pourraient alléger leur charge de travail en matière de reporting.

Guide CSRD FR