Rapport du GIEC : Les éléments clés pour une meilleure compréhension

  

L'objectif de cet article est d'offrir un aperçu complet sur la diversité des rapports produits par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) ou IPCC en anglais. Nous débuterons par un bref historique des origines du GIEC, suivi d'un résumé de ses principales missions. Enfin, nous présenterons un aperçu du processus de production des rapports du GIEC et de leur accessibilité.

  

1. Quelques éléments historiques sur la création du GIEC

D'où vient le GIEC ?
En 1979, le scientifique américain Jules Charney publie un rapport de 22 pages à l'Académie nationale des sciences des États-Unis concernant le changement climatique résultant des émissions de gaz à effet de serre (GES) d'origine humaine et les risques associés. Ce document a mené à une prise de conscience mondiale tant de la société que des décideurs politiques à propos de cette problématique.
 
En 1987, les équipes de Jean Jouzel et Claude Lorius rendent publiques les analyses de carottes de glace prélevées à la station Vostok en Antarctique. Les travaux pionniers de Charney, Jouzel, Lorius, et d'autres scientifiques, ont incité le président américain Ronald Reagan et la Première ministre britannique Margaret Thatcher à convenir, lors du G7 de 1988, de la nécessité de créer un organisme au sein des Nations Unies pour faire le point sur l'état des connaissances sur la science du changement climatique.
 
Suite à cette initiative politique fondée sur des bases scientifiques, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a été mis en place en 1988, au sein du Programme des Nations Unies pour l'environnement et de l'Organisation météorologique mondiale.
  

2. La mission principale du GIEC : une vision interdisciplinaire des dernières avancées scientifiques sur le changement climatique

La mission du GIEC est de fournir des mises à jour régulières sur les avancées scientifiques concernant le changement climatique, y compris les risques associés, et de proposer des stratégies d'adaptation et d'atténuation. Le GIEC est une structure internationale composée de 195 États membres. 
 

Les rapports du GIEC offrent une analyse exhaustive des recherches scientifiques actuelles, combinant des articles revus par des pairs et des travaux issus de la "littérature grise" (c'est à dire les documents produits par l’administration, l’industrie, l’enseignement supérieur et la recherche, les services, les ONG, les associations, etc., qui n’entrent pas dans les circuits habituels d’édition et de distribution.) Ces documents sont principalement destinés aux dirigeants mondiaux, leur fournissant une base de connaissances solide pour les décisions politiques et l'élaboration de législations nationales relatives au climat, sans pour autant dicter des directives spécifiques.

Le GIEC ne mène aucune recherche propre et se contente de fournir un travail de synthèse sur la production scientifique mondiale.

L'une des principales caractéristiques du GIEC est son ADN interdisciplinaire, englobant une diversité de domaines allant de la physique du climat à l'économie, en passant par la sociologie, la gestion publique, ainsi que le droit national et international. Plus précisément, les missions du GIEC sont organisées autour de trois groupes de travail et d'un groupe dédié aux émissions de gaz à effet de serre (GES). 

Les scientifiques impliqués dans la rédaction des rapports du GIEC sont une dizaine de membres du personnel permanent du secrétariat du GIEC. Ces membres permanents sont liés aux trois groupes de travail suivants :

  1. Le Groupe de travail I, axé sur la science physique du changement climatique.
  2. Le Groupe de travail II, qui examine les répercussions, l'adaptation et la vulnérabilité liées au climat.
  3. Le Groupe de travail III, focalisé sur les mesures d'atténuation du changement climatique.
Enfin, le groupe de travail sur les inventaires nationaux de gaz à effet de serre travaille sur les méthodes et les processus de mesure des émissions de gaz à effet de serre et des puits de carbone.
 

Les rapports du GIEC résultent des différentes contributions de ces trois groupes de travail et de l'équipe spéciale et constituent une source d'information majeure pour les négociations internationales liées au changement climatique qui ont lieu chaque année à l'occasion de la conférence annuelle des parties.

3. Vue d'ensemble des rapports du GIEC

Les rapports du GIEC sont inclus dans des "cycles d'évaluation" qui sont désignés par un numéro et chaque période d'évaluation dure cinq ans. Il est également important de noter que tous les types de rapports du GIEC énumérés ci-dessous sont disponibles gratuitement pour le grand public directement sur le site web du GIEC. 
 

 3.1. Les rapports d'évaluation

Au cours d'un cycle d'évaluation, les rapports d'évaluation du GIEC sont produits en suivant différentes étapes, y compris des ébauches de premier et de second ordre, examinées par des centaines d'experts scientifiques internationaux indépendants, sur une base volontaire. Les experts examinateurs sont sélectionnés à l'issue d'une procédure de candidature du GIEC, sur la base de leurs expérience internationales et de leurs publications antérieures. 
Ils sont recrutés en fonction de la diversité de leurs antécédents afin de garantir que le plus grand nombre d'idées possible soit prises en compte pour obtenir une perspective riche sur différents sujets. Les commentaires de chaque réviseur sont pris en compte, ce qui garantit la transparence et la fiabilité des rapports.

Pour chaque rapport du GIEC, des milliers d'articles provenant à la fois d'articles évalués par des pairs et de la littérature grise sont évalués. Cet examen quasi exhaustif permet de prendre en compte le plus large éventail possible de résultats scientifiques.
 

Lors du dernier cycle d'évaluation, la décision de publier le sixième rapport d'évaluation, connu sous l'acronyme AR6, a été adoptée durant la 41e session du GIEC tenue à Gênes en février 2015.

 

 3.2. Les rapports spéciaux 

Le GIEC édite aussi des rapports spéciaux, souvent à la demande de gouvernements souhaitant des éclaircissements scientifiques sur des thématiques précises. En 2019, trois rapports spéciaux ont été publiés :

  • Un rapport spécial sur le réchauffement global de 1,5 °C.
  • Un rapport spécial sur l'océan et la cryosphère dans un contexte de changement climatique.
  • Un rapport spécial sur le changement climatique et la terre
Ces documents offrent une analyse interdisciplinaire approfondie et sont le fruit de la collaboration de plusieurs groupes de travail. Par rapport aux rapports d'évaluation habituels, ils sont généralement plus concis tant en volume qu'en contenu.
 

 3.3. Les rapports de synthèse

Axés sur des enjeux politiques clés, les rapports de synthèse rassemblent les insights des rapports d'évaluation et des rapports spéciaux sur une période de cinq ans. Ces documents, structurés en plusieurs sections, peuvent aussi comporter un résumé technique.

Le rapport de synthèse du sixième cycle d'évaluation est prévu pour le deuxième trimestre de 2022, intégrant l'ensemble des apports des trois groupes de travail élaborés au cours de 2021.

 

3.4. Le résumé à l'intention des décideurs (SPM) 

Dans chaque cycle d'évaluation, environ cinquante scientifiques sont sélectionnés pour contribuer aux efforts des groupes de travail afin de produire une première version d'un rapport spécifique du GIEC nommé "résumé à l'intention des décideurs" (SPM) ou "Summary For Policymakers" en anglais, ciblant principalement les dirigeants gouvernementaux. Ce document suit un processus de développement distinct, cherchant un consensus général sur son contenu.

Tout d'abord, chaque groupe de travail synthétise ses contributions issues du rapport d'évaluation dans un premier projet de "SPM". Cette proposition de rapport doit ensuite être approuvée ligne par ligne par les représentants des gouvernements dans le cadre d'un processus de discussion spécifique afin de convenir d'une version finale du texte. Les phrases sont affichées sur un écran visible par tous les participants et, dans le cadre du processus de réécriture, des paragraphes sont ajoutés ou supprimés si nécessaire.

Cette nouvelle version est ensuite soumise à l'examen lors d'une réunion plénière, réunissant des délégués gouvernementaux et des observateurs. Ces assemblées sont dirigées par les présidents des différents groupes de travail, afin de s'assurer que le message scientifique est fidèlement traduit dans un cadre destiné à l'élaboration des politiques. 

Ce processus d'examen vise à clarifier le message des SPM tout en préservant l'essentiel des contributions scientifiques. En ce qui concerne la représentation des décideurs politiques, chaque délégation envoie environ six représentants, dont leurs experts locaux qui peuvent appartenir au GIEC, ainsi que d'autres fonctionnaires ou des experts en diplomatie/négociations. 

En cas de désaccord significatif, un petit groupe composé des acteurs principaux est formé par un président de groupe de travail pour faciliter le processus et parvenir à un accord mutuel.

 

3.5. Les rapports méthodologiques

Les rapports méthodologiques représentent une autre catégorie de publications du GIEC. Leur objectif est de fournir des directives pratiques pour l'élaboration des inventaires nationaux de gaz à effet de serre. Ils incluent un "chapitre d'aperçu" reprenant les éléments clés du résumé pour les décideurs.

 

Tous les types de rapports mentionnés précédemment peuvent aussi comporter une section "Questions fréquemment posées" et une section "Matériel supplémentaire".

 

3.6. Un exemple de l'impact du rapport du GIEC

L'impact direct de l'ample travail du GIEC n'est pas toujours simple à quantifier. Néanmoins, dans certains cas, son influence sur les décisions politiques est évidente. Les résumés pour les décideurs, offrant un condensé des points critiques des principaux rapports d'évaluation ou rapports spéciaux, ont un effet notable sur la sensibilisation du public et des politiques au changement climatique.

 

Par exemple, le Pacte vert européen, annoncé par Ursula von der Leyen lors de la COP25 en 2020, s'appuie explicitement sur les découvertes du rapport sur le réchauffement de 1,5 °C du GIEC pour définir ses objectifs, y compris l'adoption d'une législation visant la neutralité climatique d'ici 2050. De manière plus large, les accords internationaux sous l'égide de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) se fondent sur les données fournies par les rapports du GIEC.

 
  

Conclusion

Dans cet article, nous avons commencé par présenter les origines du GIEC et donné une image globale de ses principales missions, qui consistent à cartographier l'état actuel des connaissances scientifiques sur le changement climatique et qui se caractérisent par une forte dimension interdisciplinaire.

Cette responsabilité est assurée par trois groupes de travail et une "task force" sur les émissions de gaz à effet de serre.

Enfin, nous avons décrit le processus général de production des rapports du GIEC qui sont gratuits et accessibles au public, en mettant l'accent sur le sixième rapport d'évaluation du GIEC (AR6), publié en 2022.

L'exemple de l'impact politique international des rapports du GIEC avec le cas du Green New Deal a également été mis en évidence dans ce document. 

Contributor:

Mounia Mostefaoui

PhD Student at Sorbonne University

Sources:

[1] National Academy of Sciences (23 July 1979). "Carbon dioxide and climate: A scientific assessment" (PDF). National Academy of Sciences. Woods Hole, MA.
[2] Jouzel, J., Lorius, C., Petit, J. et al. Vostok ice core: a continuous isotope temperature record over the last climatic cycle (160,000 years). Nature 329, 403–408 (1987). https://doi.org/10.1038/329403a0
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