Il existe des tendances dans tous les secteurs, et le marché volontaire du carbone (VCM) ne fait pas exception. Depuis 2021, la demande de crédits de suppression, qui se négocient à un prix plus élevé que les crédits d'évitement, a augmenté. Certains projets de gestion forestière améliorée (Improved Forest Management - IFM) peuvent générer les deux types de crédits et, au sein d'un même projet, les crédits de suppression peuvent se vendre jusqu'à 50 % plus cher que les crédits d'évitement. Cependant, le fait d'avoir une vision simpliste et de ne pas prendre en compte les projets d'évitement pour les contributions climatiques peut avoir des conséquences négatives pour le climat, la nature et les populations.
Le lancement de la première version du Corporate Net-Zero Standard (CNZS) en octobre 2021 par l'initiative Science Based Targets (SBTi) a entraîné des conséquences pour les projets d'évitement du carbone que l’organisme définissant les standards pour les engagements climatiques des entreprises n’avait certainement pas anticipées.
Selon le Corporate Net-Zero Standard (CNZS), la plupart des entreprises doivent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) d'au moins 90 % au plus tard d'ici 2050. Une fois cet objectif atteint, les émissions résiduelles, représentant les 10 % restants ou moins, devront être neutralisées par des solutions permanentes de séquestration du carbone. En d'autres termes, la neutralisation des émissions résiduelles constitue la dernière étape du marathon contre le changement climatique.
En attendant, dans le cadre de leur stratégie de mitigation au-delà de la chaîne de valeur (BVCM), les organisations ne doivent pas négliger les projets d'évitement carbone, comme l’a clarifié une série d'articles publiés par le SBTi en 2022. Parmi les exemples de projets d'évitement cités par l'organisme figure les crédits carbone REDD+ juridictionnels de haute qualité.
Pour en savoir plus sur les différents types de crédits carbone d'évitement, consultez notre article.
La lutte contre le changement climatique est un défi si immense que nous ne pouvons pas nous permettre de privilégier une solution au détriment des autres. Les acteurs doivent se concentrer sur des étapes intermédiaires significatives, plutôt que de se focaliser uniquement sur un objectif net zéro hypothétique et à long terme.
Les controverses, telles que la campagne contre le REDD+ menée par The Guardian en janvier 2023 ou une étude de l’Université de Berkeley sur les méthodologies des foyers améliorés publiée un an plus tard, ont dénoncé la surestimation généralisée des crédits générés par certains projets. Toutefois, ces critiques ne doivent pas conduire les acheteurs à croire que les projets de séquestration sont épargnés par ce type de scandales. Par exemple, les projets REDD+, qui préviennent la déforestation et la dégradation des forêts, reposent sur des résultats moins tangibles (éviter des émissions) que la mesure de la croissance de la biomasse aérienne dans des projets de séquestration.
Cependant, tous les types de projets, qu’il s’agisse de séquestration ou d’évitement, reposent sur un scénario contrefactuel, c’est-à-dire une projection de ce qui se serait produit en l’absence du projet. Par définition, une fois le projet mis en œuvre, il est impossible de vérifier ce scénario avec une certitude absolue. Dans le cas des projets de séquestration basés sur la nature, si les arbres auraient été plantés ou auraient poussé naturellement sans l’intervention du projet, cela ne devrait pas générer de crédits carbone.
De plus, l’additionnalité de certains projets d’afforestation, de reforestation et de revégétalisation (ARR) peut être remise en question, notamment lorsqu’ils sont mis en œuvre par des conglomérats forestiers et qu’ils sont rentables en eux-mêmes. À l’inverse, les systèmes d’agroforesterie impliquant de petits exploitants agricoles comme ce projet d'agroforesterie en Inde sont souvent plus susceptibles d’être additionnels, car ils ne génèrent pas de revenus significatifs en dehors des crédits carbone.
Les agences de notation des crédits carbone elles-mêmes ont signalé ce manque de qualité dans certains projets ARR. Les analyses de Renoster montrent que, en moyenne, les projets de séquestration sous-performent par rapport à certains projets de réduction en raison de problèmes liés à l'additionnalité. Après avoir évalué 600 projets, Calyx a souligné que le marché volontaire du carbone (MVC) ne suggère aucune différence de qualité globale entre les projets de séquestration et ceux d’évitement.
Les projets basés sur la nature, qu'ils soient liés à la séquestration ou à l'évitement, présentent un risque de non-permanence, notamment si le carbone stocké dans les arbres est libéré à la suite d’incendies, de tempêtes ou d’invasions de parasites. En revanche, les dispositifs ménagers présentent généralement un faible risque de réversibilité. Par exemple, les biodigesteurs qui réduisent les émissions de méthane provenant de la décomposition des déjections animales sont irréversibles, et l'évitement des combustibles fossiles grâce à l'énergie renouvelable produite représente une réduction permanente des émissions.
Pour en savoir plus sur les communautés locales et le biogaz dans le cadre du MVC, consultez notre article.
Aborder le changement climatique avec une perspective étroite peut aggraver le problème et nuire à la fois à la planète et à ses habitants. Par exemple, en agriculture régénératrice, se concentrer uniquement sur la séquestration dans les sols peut paradoxalement entraîner une augmentation générale des émissions de GES en raison d’un recours accru aux intrants et aux engrais azotés. Une étude publiée dans Nature Communications en mars 2024 a également révélé que planter des arbres dans des endroits inappropriés peut contribuer au réchauffement climatique en modifiant l’effet d’albédo. Cela peut aussi compromettre la sécurité alimentaire si les jeunes arbres sont plantés sur des terres arables.
Certains projets ARR utilisant des espèces à croissance rapide et invasives cherchent à maximiser la séquestration du carbone, souvent au détriment d’autres indicateurs environnementaux, tels que la biodiversité ou les ressources en eau. Cette stratégie centrée uniquement sur la séquestration peut également créer une aberration où un hectare de forêt dégradée a plus de valeur économique qu’un hectare de forêt préservée. Pour contrer cela, certains développeurs de projets, impliqués dans les deux types d’initiatives, demandent aux entreprises d’associer leurs dépenses en séquestration du carbone à un investissement équivalent dans des écosystèmes intacts. Les forêts existantes ne sont pas seulement d’excellents puits de carbone, mais aussi des foyers majeurs de biodiversité. Détruire ou laisser se dégrader ces écosystèmes irremplaçables ne peut être compensé par des projets d’afforestation sur des terres inadaptées.
Par ailleurs, les organisations doivent se détacher d’un biais occidental qui, trop souvent, vire à l’ethnocentrisme. Une minorité d’acheteurs de crédits carbone dans les pays développés privilégient uniquement les solutions technologiques, comme la capture directe de l’air. Pourtant, ils devraient se rappeler que ce qu’ils considèrent comme acquis, comme l’accès à l’eau potable et à une énergie propre, reste un défi quotidien dans le Sud global. Actuellement, 2,1 milliards de personnes (soit un tiers de la population mondiale) cuisinent encore avec des feux ouverts ou des foyers inefficaces, générant une pollution de l’air domestique responsable d’environ 3,2 millions de décès en 2020. Beaucoup de projets de foyers améliorés ne sont viables que grâce au financement carbone, et les soutenir contribue véritablement à aider les populations vulnérables dans leur transition vers un avenir durable.
Consultez nos articles pour en savoir plus sur l’avenir des projets de foyers améliorés et leur rôle dans la réalisation des ODDs.
Les scientifiques alertent également contre les récents rapports médiatiques suggérant que les efforts de lutte contre la déforestation tropicale sont une arnaque. Ces affirmations infondées sont préjudiciables et sapent les efforts essentiels de conservation. La réticence à soutenir les projets REDD+, même les meilleurs, est une pratique que nous ne soutenons pas chez ClimateSeed.
Plutôt que de se focaliser uniquement sur le type de projet dans leur stratégie de crédits carbone, les contributeurs climatiques devraient avant tout considérer la qualité des projets, leurs co-bénéfices, et s’efforcer de construire un portefeuille équilibré avec l’assistance d’experts dédiés.
Chez ClimateSeed, nous accompagnons les entreprises engagées à soutenir des projets de grande qualité pour maximiser les impacts et minimiser les risques. Nous vous aidons à définir une stratégie efficace pour financer vos projets carbone, qu'il s'agisse d'achats au comptant, de contrats pluriannuels ou du financement de projets en phase de lancement. Que vous optiez pour des crédits carbone ex-ante ou ex-post, notre expertise vous permet de bâtir un portefeuille diversifié et aligné sur vos objectifs. Grâce à nos services de conseil, nous vous accompagnons dans le développement d’une stratégie adaptée au marché volontaire du carbone (VCM), maximisant à la fois votre impact climatique et votre contribution à des projets de qualité. Cliquez-ici pour découvrir notre offre d'accompagnement.
Sources: