Qu’en est-il de la CSRD et du paquet Omnibus en cette fin octobre 2025 ?
L’automne 2025 marque un tournant majeur pour le reporting de durabilité en Europe. Moins de trois ans après l’adoption de la CSRD, le cadre phare du reporting extra-financier européen est à nouveau au cœur des débats, cette fois sous l’impulsion du paquet Omnibus, une réforme présentée par la Commission européenne pour « simplifier » les obligations de durabilité.
Cependant, le processus législatif est encore en cours : le paquet Omnibus reste en discussion, et les propositions de modification actuellement débattues pourraient encore évoluer. Elles ne sont donc pas définitives à ce stade.
Le Parlement européen rejette l’accord de simplification : la réforme dite Omnibus repart en négociation
Le 22 octobre 2025, le Parlement européen a rejeté la position de compromis adoptée une semaine plus tôt, le 13 octobre 2025, par sa commission des affaires juridiques (JURI) concernant le paquet Omnibus, la réforme visant à simplifier le cadre européen de durabilité.
Ce vote, (318 voix contre, 309 pour et 34 abstentions), empêche l’ouverture immédiate des négociations officielles avec la Commission européenne et le Conseil de l’UE.
Un nouveau vote est prévu le 13 novembre 2025. Selon, l’issue de ce scrutin, le texte pourrait faire l’objet d’ajustements importants, laissant les entreprises dans l’incertitude quant à la portée réelle des futurs allègements en matière de reporting de durabilité (CSRD) et de devoir de vigilance (CS3D).
Un processus législatif à nouveau suspendu
Présenté en février 2025 par la Commission européenne, le paquet Omnibus I vise, sous réserve des décisions finales du Parlement et du Conseil, à alléger la charge réglementaire pesant sur les entreprises, tout en maintenant le cap de la transition durable.
Le texte proposé prévoyait notamment, sous réserve des décisions finales du Parlement et du Conseil, une réduction du champ d’application de la CSRD, en relevant les seuils à 1 000 salariés et 450 millions d’euros de chiffre d’affaires, et une simplification du nombre d’indicateurs de reporting (ramené d’environ 1 150 à 350–450). Cette proposition a cependant été rejetée par le Parlement européen le 22 octobre, et pourrait encore évoluer lors des prochaines négociations.
Ces modifications, adoptées à 17 voix contre 6 par la commission JURI le 13 octobre, avaient suscité des réactions contrastées. Si elles sont présentées comme un allègement administratif, plusieurs acteurs craignent qu’elles puissent écarter des milliers d’entreprises du champ d’application initial de la directive et réduire la transparence sur les impacts environnementaux et sociaux.
Le rejet du 22 octobre renvoie désormais le texte en phase de négociation interne au Parlement avant toute reprise des discussions avec le Conseil et la Commission.
CSRD : un champ d’application potentiellement réduit
Le projet adopté en commission JURI le 13 octobre prévoyait de resserrer considérablement le périmètre de la CSRD.
Seules les entreprises de plus de 1 000 salariés et réalisant plus de 450 millions d’euros de chiffre d’affaires pourraient, selon les propositions actuelles, être tenues de publier un reporting de durabilité conforme aux normes européennes.
En pratique, cela pourrait exempter des milliers d’entreprises actuellement concernées, notamment les ETI et les grandes PME.
Les conséquences possibles :
- La logique de transparence systémique instaurée par la CSRD en 2022 pourrait être affaiblie.
- Le reporting pourrait devenir volontaire pour les entreprises de taille moyenne, basé sur des lignes directrices non contraignantes élaborées par l’EFRAG, constituant une option proposée et non une obligation.
- Les normes sectorielles, longtemps attendues pour améliorer la pertinence du reporting par industrie, pourraient devenir optionnelles.
En parallèle, les discussions portent sur une réduction du nombre d’indicateurs obligatoires, passant d’environ 1 150 à 350–450, est envisagée. Cette simplification substantielle répond à une demande du monde économique, mais pourrait réduire la granularité et la comparabilité des données.
CS3D : évolution possible du devoir de vigilance
Le volet « devoir de vigilance » du paquet Omnibus (CS3D) suit la même logique de recentrage.
La commission JURI proposait de limiter son champ d’application aux seules entreprises de plus de 5 000 salariés et réalisant plus de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires, contre 1 000 salariés et 450 millions d’euros dans la version initiale.
Autre évolution majeure : l’approche fondée sur la gestion des risques pourrait remplacer l’obligation de vigilance systématique. Les entreprises ne seraient tenues d’évaluer leurs partenaires commerciaux qu’en cas de risque identifié, réduisant ainsi la portée préventive du texte. Enfin, la responsabilité civile resterait déterminée au niveau national, laissant la possibilité d’un écart réglementaire entre États membres.
Un risque de fragmentation dans la chaîne de valeur
Le texte introduit également une restriction controversée : les grandes entreprises pourraient ne plus être en mesure d’exiger des données ESG auprès de leurs partenaires si ceux-ci ne sont pas eux-mêmes soumis à la CSRD. Présentée comme une manière d’alléger la charge pesant sur les PME, cette disposition pourrait, selon certains scénarios, affecter la fiabilité des reportings des grands groupes et fragmenter la chaîne de valeur.
En cherchant à protéger les petites structures, l’UE pourrait créer des angles morts réglementaires, rendant plus difficile la reconstitution d’un impact global sur le climat, la biodiversité ou les droits humains.
Et maintenant ?
Le vote du 13 novembre constituera une étape clé pour le devenir du paquet Omnibus.
Deux options sont possibles :
- Un retour à un compromis plus équilibré, préservant la cohérence du cadre européen de durabilité,
- Une simplification plus importante, avec un possible impact sur la transparence et la comparabilité des données ESG.
Pour les entreprises, cette période d’incertitude constitue un moment important pour renforcer leurs pratiques internes, structurer leurs données et anticiper différents scénarios réglementaires. Quel que soit le résultat final, il est probable que la fiabilité, la traçabilité et la qualité des données de durabilité continueront de figurer parmi les attentes des investisseurs, des régulateurs et des citoyens.
Implications pour les entreprises : entre incertitude et préparation
Le rejet du compromis et le report du vote au 13 novembre 2025 créent une période d’incertitude pour les entreprises européennes et internationales concernées par le reporting CSRD et CS3D. Malgré les propositions de simplification, les entreprises doivent continuer à se préparer selon les exigences actuelles de la CSRD et de la CS3D.
Certaines conséquences possibles :
- Planification et calendrier : Les entreprises devront continuer à se préparer selon le calendrier actuel de la CSRD, tout en restant prêtes à adapter leurs processus aux seuils et indicateurs finaux qui seront définis après les négociations.
- Collecte et gestion des données : Les ajustements proposés par le paquet Omnibus visent à réduire le nombre d’indicateurs et le périmètre des informations à collecter, mais il reste essentiel de maintenir une qualité et une traçabilité des données afin de rester préparé à tout changement réglementaire.
- Reporting volontaire pour les PME et entreprises intermédiaires : Les entreprises non assujetties à la CSRD obligatoire devront décider si elles publient un reporting sur base volontaire, afin de répondre aux attentes possibles de leurs partenaires commerciaux et investisseurs.
- Chaîne de valeur : Les limitations concernant les données ESG auprès des partenaires non soumis à la CSRD pourraient affecter la visibilité sur les impacts indirects, tout en réduisant la charge administrative pour les PME.
Conclusion
Le rejet du compromis par le Parlement le 22 octobre 2025 et le report du vote au 13 novembre 2025 maintiennent une incertitude sur la forme finale de la réforme. Le paquet Omnibus cherche à alléger la charge administrative pour les entreprises, mais sa version définitive déterminera la portée réelle de la simplification pour le reporting CSRD et le devoir de vigilance CS3D. Jusqu’à l’adoption d’un nouveau texte, les obligations actuelles de la CSRD et de la CS3D restent pleinement valides et doivent être respectées.
Dans ce contexte, les entreprises gagneraient à suivre de près l’évolution législative et à envisager des ajustements possibles de leurs processus internes. Même si certaines obligations deviennent volontaires, maintenir une visibilité sur la chaîne de valeur et anticiper la collecte de données ESG reste essentiel pour rester en conformité et préserver la transparence auprès des investisseurs et partenaires.
Sources :
Parlement européen : https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20251016IPR30956/durabilite-et-devoir-de-vigilance-les-deputes-voteront-en-novembre
Vous pourriez aussi aimer
Articles similaires

Législation Omnibus, sortie du premier paquet : quelles sont les premières simplifications ?

Normes ESRS : comprendre et appliquer les standards de durabilité


