La directive de l'Union Européenne (UE) 2022/2464, communément appelée "CSRD" (Corporate Sustainability Reporting Directive) marque un tournant dans la manière dont les entreprises rapportent leurs actions en matière de durabilité et cela inclut la gestion des crédits carbone. Cet article se concentre sur l'intégration des crédits carbone dans la CSRD, en explorant comment les entreprises sont tenues de les gérer et de les rapporter dans le cadre de leurs obligations de durabilité.
La CSRD englobe divers aspects de la durabilité et l'intégration des crédits carbone se situe principalement dans la section de l'ESRS E1 - Climate Change.
La norme ESRS E1 est spécialement dédiée au changement climatique. Elle permet de préciser les 9 exigences de publication (Disclosure Requirements ou DR) requises pour établir le rapport de durabilité concernant le volet climatique. Son objectif est de permettre aux lecteurs du rapport de durabilité (tels que les investisseurs, les clients et autres parties prenantes) de saisir divers aspects essentiels notamment :
Parmi ces 9 exigences, une concerne les crédits carbone : il s'agit de l’exigence de publication E1-7 – Projets d’absorption et d’atténuation des gaz à effet de serre (GES) financés au moyen de crédits carbone.
Cette exigence oblige les entreprises à divulguer de manière détaillée les efforts entrepris pour financer la réduction ou l'absorption des émissions de GES, mettant ainsi un accent particulier sur l'utilisation des crédits carbone.
Selon l'exigence de publication E1-7, les entreprises soumissionnaires doivent publier des informations concernant :
Cette exigence vise à fournir une compréhension claire des actions de l’entreprise visant à soutenir activement l’élimination des GES de l’atmosphère, en vue d’atteindre potentiellement les objectifs «zéro net».
Elle permet également une compréhension de l’ampleur et de la qualité des crédits carbone achetés sur le MVC (Marché Volontaire du carbone) et retirés sur la période du reporting (projets d’absorption et d’atténuation des GES financés au moyen de crédits carbone) pouvant étayer des allégations de neutralité en matière de GES.
Le financement de projets de réduction des émissions de GES en dehors de la chaîne de valeur de l’entreprise par l’achat de crédits carbone répondant à des normes de haute qualité, peut contribuer utilement à l’atténuation du changement climatique.
La norme impose à l’entreprise d’indiquer si elle utilise des crédits carbone séparément des informations relatives aux émissions de GES et aux cibles de réduction des émissions de GES. Elle impose également à l’entreprise de démontrer la portée de l’utilisation de ces crédits carbone ainsi que les critères de qualité utilisés.
Le reporting devra inclure :
2. La quantité totale de crédits carbone en tCO2eq programmés pour être retirés dans le futur, sur la base des accords contractuels existants. En effet, les entreprises doivent également rapporter sur les crédits carbone programmés pour être retirés dans le futur, basés sur les accords contractuels.
Les informations relatives aux crédits carbone annulés au cours de l’année de référence et dont l’annulation est prévue à l’avenir peuvent être présentées en utilisant les formats de tableau suivants :
La CSRD met l'accent sur la nécessité pour les entreprises de démontrer une transparence accrue autour de l'utilisation des crédits carbone, notamment en clarifiant la manière dont ces efforts s'inscrivent dans les objectifs de réduction des émissions de GES à plus large échelle, conformément aux engagements pris sous l'objectif global de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C.
Lorsque une entreprise fait des allégations publiques de neutralité en matière de GES, elle doit expliquer comment ces allégations sont accompagnées de cibles de réduction des émissions de GES et comment l’utilisation des crédits carbone soutient la réalisation de ces cibles sans compromettre leur intégrité.
L’entreprise doit ainsi expliquer :
(a) si et comment ces allégations sont accompagnées de cibles de réduction des émissions de GES comme le requiert l’exigence de publication ESRS E1-4 (Objectifs de réduction des émissions de GES) ;
(b) si et comment ces allégations et le recours à des crédits carbone n’empêchent ni ne réduisent la réalisation de ces cibles de réduction des émissions de GES ou, le cas échéant, de son objectif «zéro net»; ainsi que
(c) la crédibilité et l’intégrité des crédits carbone utilisés, y compris en référence à des normes de qualité reconnues.
Si une entreprise publie un objectif «net zéro» en plus des cibles de réduction des émissions brutes de GES, cela implique :
La question s’est posée de savoir si l'entreprise devait attendre d’avoir réduit de 90 à 95% ses émissions de GES avant de donner l'option de travailler avec les absorptions de GES telles que l’utilisation des crédits carbone. L’EFRAG a récemment clarifié que ce n’était pas le cas.
Dans le cas où l’entreprise publie un objectif «zéro net», elle doit décrire le champ d’application, les méthodes et les cadres adoptés ainsi que la manière dont les émissions résiduelles de GES sont censées être neutralisées.
Cependant, cela n'empêche pas les entreprises de travailler sur les absorptions de GES avant d'atteindre des réductions d'émissions de GES de 90-95% proches du point de zéro net, bien au contraire.
Selon le SBTi, la décarbonation de la chaîne de valeur des entreprises est d’ailleurs de plus en plus devenue une attente minimale et le monde est actuellement confronté à un déficit d'investissement majeur, en particulier en termes de financement de projets climatiques pour les pays en développement.
Le dernier rapport BVCM (Beyond Value Chain Mitigation) du SBTi est un appel à l'action : les entreprises doivent augmenter le financement de la lutte contre le changement climatique notamment en utilisant des crédits carbone de haute qualité pour aller au-delà des réductions d'émissions basées sur des données scientifiques.
L'intégration des crédits carbone dans la CSRD et plus particulièrement dans l'ESRS E1 - Climate Change représente une étape significative dans l'amélioration de la responsabilité et de la transparence des entreprises en matière de durabilité. En exigeant des rapports détaillés et transparents sur l'utilisation des crédits carbone, la CSRD pousse les entreprises à adopter des stratégies plus robustes et crédibles pour la réduction des émissions de GES, contribuant ainsi efficacement à la lutte contre le changement climatique.
Sources :
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:L_202302772