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Comment les crédits carbone sont-ils intégrés dans la CSRD ?

Rédigé par ClimateSeed | 18 mars 2024 14:23:17

La directive de l'Union Européenne (UE) 2022/2464, communément appelée "CSRD" (Corporate Sustainability Reporting Directive) marque un tournant dans la manière dont les entreprises rapportent leurs actions en matière de durabilité et cela inclut la gestion des crédits carbone. Cet article se concentre sur l'intégration des crédits carbone dans la CSRD, en explorant comment les entreprises sont tenues de les gérer et de les rapporter dans le cadre de leurs obligations de durabilité.

L’intégration des crédits carbone dans l'ESRS E1 - Climate Change 

La CSRD englobe divers aspects de la durabilité et l'intégration des crédits carbone se situe principalement dans la section de l'ESRS E1 - Climate Change.

La norme ESRS E1 est spécialement dédiée au changement climatique. Elle permet de préciser les 9 exigences de publication (Disclosure Requirements ou DR) requises pour établir le rapport de durabilité concernant le volet climatique. Son objectif est de permettre aux lecteurs du rapport de durabilité (tels que les investisseurs, les clients et autres parties prenantes) de saisir divers aspects essentiels notamment  :

  • La façon dont l'entreprise affecte le climat, incluant ses impacts positifs et négatifs, actuels et éventuels.

  • Les initiatives mises en place par l’entreprise pour prévenir, réduire ou rectifier ces impacts et gérer les défis et opportunités en lien avec le changement climatique.

  • La manière dont l'entreprise envisage d’adapter sa stratégie et son modèle d’affaires à la transition vers une économie durable.

  • Les conséquences financières des risques et opportunités liés au changement climatique pour l'entreprise.

Parmi ces 9 exigences, une concerne les crédits carbone : il s'agit de l’exigence de publication E1-7 – Projets d’absorption et d’atténuation des gaz à effet de serre (GES) financés au moyen de crédits carbone.

Exigence de publication E1-7 – Projets d’absorption et d’atténuation des GES financés au moyen de crédits carbone

En quoi l'Exigence de publication E1-7 consiste-t-elle ?

Cette exigence oblige les entreprises à divulguer de manière détaillée les efforts entrepris pour financer la réduction ou l'absorption des émissions de GES, mettant ainsi un accent particulier sur l'utilisation des crédits carbone.

Selon l'exigence de publication E1-7, les entreprises soumissionnaires doivent publier des informations concernant :

  • Les absorptions et le stockage de GES exprimés en tonnes métriques équivalent CO2 résultant de projets réalisés dans le cadre de leurs opérations propres ou auxquels elles ont contribué dans leur chaîne de valeur en amont et en aval.

  • Le montant des réductions ou absorptions des émissions de GES résultant de projets d’atténuation du changement climatique financés en dehors de leur chaîne de valeur par l’achat de crédits carbone.

Cette exigence vise à fournir une compréhension claire des actions de l’entreprise visant à soutenir activement l’élimination des GES de l’atmosphère, en vue d’atteindre potentiellement les objectifs «zéro net». 

Elle permet également une compréhension de l’ampleur et de la qualité des crédits carbone achetés sur le MVC (Marché Volontaire du carbone) et retirés sur la période du reporting (projets d’absorption et d’atténuation des GES financés au moyen de crédits carbone) pouvant étayer des allégations de neutralité en matière de GES.

Les informations à publier sur les crédits carbone comprennent, le cas échéant :

  • La quantité totale de crédits carbone en dehors de la chaîne de valeur de l’entreprise, exprimée en tonnes métriques équivalent CO2, qui ont été vérifiés au regard de normes de qualité reconnues et annulés au cours de la période de référence; ainsi que

  • La quantité totale de crédits carbone en dehors de la chaîne de valeur de l’entreprise, exprimée en tonnes métriques équivalent CO2, dont l’annulation est prévue à l’avenir, qu’elle soit basée ou non sur des accords contractuels existants.

Comment réaliser ce reporting sur les crédits carbone ? 

Le financement de projets de réduction des émissions de GES en dehors de la chaîne de valeur de l’entreprise par l’achat de crédits carbone répondant à des normes de haute qualité, peut contribuer utilement à l’atténuation du changement climatique. 

La norme impose à l’entreprise d’indiquer si elle utilise des crédits carbone séparément des informations relatives aux émissions de GES et aux cibles de réduction des émissions de GES. Elle impose également à l’entreprise de démontrer la portée de l’utilisation de ces crédits carbone ainsi que les critères de qualité utilisés.

Le reporting devra inclure : 

  1. La quantité totale de crédits carbone achetés vérifiés par des standards nationaux ou internationaux de qualité et retirés sur la période du reporting, ventilés par : 
  • la part (en pourcentage du volume) relative aux projets de réduction et aux projets d’absorption : les entreprises doivent divulguer la quantité de crédits carbone achetés sur le marché volontaire du carbone, en mettant en évidence les projets d’atténuation et d’absorption des GES.

  • pour les crédits carbone provenant de projets d’absorption, une explication de s’ils proviennent de puits biogènes ou technologiques;
  • la part (en pourcentage du volume) relative à chaque norme de qualité reconnue;
  • la part (en pourcentage du volume) émise dans le cadre de projets menés dans l’UE; et

  • la part (en pourcentage du volume) qui peut être considérée comme un ajustement correspondant au titre de l’article 6 de l’accord de Paris.

2. La quantité totale de crédits carbone en tCO2eq programmés pour être retirés dans le futur, sur la base des accords contractuels existants. En effet, les entreprises doivent également rapporter sur les crédits carbone programmés pour être retirés dans le futur, basés sur les accords contractuels.

Les informations relatives aux crédits carbone annulés au cours de l’année de référence et dont l’annulation est prévue à l’avenir peuvent être présentées en utilisant les formats de tableau suivants : Lorsqu’elle prépare les informations relatives aux crédits carbone requises l’entreprise doit :

  • Utiliser des normes de qualité reconnues pour les crédits carbone;
  • Expliquer,  le cas échéant, comment les crédits carbone s'intègrent dans sa politique d’atténuation du changement climatique;
  • Veiller à ne pas inclure les crédits carbone résultant de projets d’absorption des GES relevant de sa chaîne de valeur (pour éviter de les compter deux fois) puisque ces réductions sont déjà rapportées selon les règles de publication spécifiques (scope 2 ou 3).
  • Ne pas comptabiliser les crédits issus de projets d'absorption de GES dans sa chaîne de valeur pour la même raison de double comptabilité.
  • Ne pas déclarer les crédits carbone comme compensation de ses émissions de GES dans le cadre de l’exigence de publication E1-6 relative aux émissions de GES (Émissions de GES brutes de périmètres 1, 2 ou 3 et émissions totales de GES);
  • Ne pas présenter les crédits carbone comme moyen d'atteindre ses objectifs de réduction d'émissions de GES dans le cadre de l’exigence de publication (E1-4 : Objectifs de réduction des émissions de GES) 
  • Calculer la quantité de crédits carbone à annuler à l’avenir, comme étant la somme des crédits carbone exprimée en tonnes métriques équivalent CO2 sur la durée des accords contractuels existants.

L’importance de la transparence et de la communication en matière de crédits carbone

La CSRD met l'accent sur la nécessité pour les entreprises de démontrer une transparence accrue autour de l'utilisation des crédits carbone, notamment en clarifiant la manière dont ces efforts s'inscrivent dans les objectifs de réduction des émissions de GES à plus large échelle, conformément aux engagements pris sous l'objectif global de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C.

Le cas des allégations publiques de neutralité en matière de GES

Lorsque une entreprise fait des allégations publiques de neutralité en matière de GES, elle doit expliquer comment ces allégations sont accompagnées de cibles de réduction des émissions de GES et comment l’utilisation des crédits carbone soutient la réalisation de ces cibles sans compromettre leur intégrité. 

L’entreprise doit ainsi expliquer : 

(a) si et comment ces allégations sont accompagnées de cibles de réduction des émissions de GES comme le requiert l’exigence de publication ESRS E1-4 (Objectifs de réduction des émissions de GES) ;

(b) si et comment ces allégations et le recours à des crédits carbone n’empêchent ni ne réduisent la réalisation de ces cibles de réduction des émissions de GES ou, le cas échéant, de son objectif «zéro net»; ainsi que

(c) la crédibilité et l’intégrité des crédits carbone utilisés, y compris en référence à des normes de qualité reconnues.

Le cas d’une publication d’un objectif “zéro net”

Si une entreprise publie un objectif «net zéro» en plus des cibles de réduction des émissions brutes de GES, cela implique : 

  • De parvenir à une réduction des émissions de la chaîne de valeur d’une ampleur compatible avec la réduction nécessaire pour atteindre l’objectif mondial «zéro net» dans les trajectoires limitant le réchauffement à 1,5 °C.

  • De neutraliser l’incidence de toute émission résiduelle (après une réduction d’environ 90 à 95 % des émissions de GES avec des ajustements possibles selon le secteur, basés sur des trajectoires sectorielles reconnues) en absorbant une quantité équivalente de CO2 de manière permanente.

La question s’est posée de savoir si l'entreprise devait attendre d’avoir réduit de 90 à 95% ses émissions de GES avant de donner l'option de travailler avec les absorptions de GES telles que l’utilisation des crédits carbone. L’EFRAG a récemment clarifié que ce n’était pas le cas. 

Dans le cas où l’entreprise publie un objectif «zéro net», elle doit décrire le champ d’application, les méthodes et les cadres adoptés ainsi que la manière dont les émissions résiduelles de GES sont censées être neutralisées.

Cependant, cela n'empêche pas les entreprises de travailler sur les absorptions de GES avant d'atteindre des réductions d'émissions de GES de 90-95% proches du point de zéro net, bien au contraire.

Selon le SBTi, la décarbonation de la chaîne de valeur des entreprises est d’ailleurs de plus en plus devenue une attente minimale et le monde est actuellement confronté à un déficit d'investissement majeur, en particulier en termes de financement de projets climatiques pour les pays en développement.

Le dernier rapport BVCM (Beyond Value Chain Mitigation) du SBTi est un appel à l'action : les entreprises doivent augmenter le financement de la lutte contre le changement climatique notamment en utilisant des crédits carbone de haute qualité pour aller au-delà des réductions d'émissions basées sur des données scientifiques.

Conclusion

L'intégration des crédits carbone dans la CSRD et plus particulièrement dans l'ESRS E1 - Climate Change représente une étape significative dans l'amélioration de la responsabilité et de la transparence des entreprises en matière de durabilité. En exigeant des rapports détaillés et transparents sur l'utilisation des crédits carbone, la CSRD pousse les entreprises à adopter des stratégies plus robustes et crédibles pour la réduction des émissions de GES, contribuant ainsi efficacement à la lutte contre le changement climatique.

Sources : 

https://www.anc.gouv.fr/files/live/sites/anc/files/contributed/ANC/2_Normes_internationales/NI%202022/Normes%20de%20durabilite/2023/Guide_application-sur-les-ESRS_2023.pdf 

https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:L_202302772 

https://efrag.org/Assets/Download?assetUrl=%2Fsites%2Fwebpublishing%2FSiteAssets%2FESRS%2520Implementation%2520QA%2520Platform%2520-%2520Explanation%25202-2024.pdf