ClimateSeed propose, dans cet article, des clés de lecture pour mieux comprendre les conditions d'usage des termes "neutralité carbone" et "net-zéro". Ce décryptage vise à aider les organisations à utiliser correctement ces termes, afin d'éviter les ambiguïtés et les accusations de greenwashing dans la communication de leurs engagements climatiques.
Les concepts de "neutralité carbone" et de "net zéro" sont souvent assimilés, bien qu’ils reposent sur des principes distincts. La neutralité carbone, définie à l’échelle planétaire, implique un équilibre entre les émissions anthropiques de gaz à effet de serre et leur absorption par des puits naturels ou technologiques. Le net zéro, quant à lui, s’applique à des entités spécifiques (pays, entreprises, secteurs). Cet article examine les distinctions fondamentales entre ces approches et leurs implications pour les stratégies climatiques.
Le GIEC ne fait pas de distinction explicite entre neutralité carbone et net zéro, utilisant ces termes de manière interchangeable.
Dans son Rapport spécial sur le réchauffement de 1,5 °C (SR15, 2018), il définit les émissions nettes nulles de CO₂ comme étant atteintes lorsque «les émissions anthropiques de CO₂ sont équilibrées à l’échelle mondiale par des absorptions anthropiques de CO₂ sur une période donnée». La définition de neutralité carbone (carbon neutrality) donnée par le GIEC dans le même glossaire est identique à celle de net zero CO₂ emissions. Cela suggère que, dans son cadre scientifique, le GIEC considère ces notions comme équivalentes lorsqu’il s’agit du CO₂.
Toutefois, dans le discours politique et économique, une distinction est désormais introduite pour des raisons de clarté.
La neutralité carbone est souvent présentée comme un objectif mondial, limité au CO₂, tandis que le net zéro s’appliquerait à des entités spécifiques (pays, entreprises) et à l’ensemble des gaz à effet de serre. L'introduction de cette distinction permet également de mieux contrôler les risques de greenwashing. En effet, aucune entité individuelle ne peut atteindre une neutralité absolue de ses propres émissions. Réserver le terme "neutralité carbone" à l'équilibre global des émissions de GES permet de contrôler les revendications trompeuses de la part d'entités individuelles qui laisseraient entendre que leur activité ne génère pas de GES ou que l'entité en question neutralise ses émissions. Par ailleurs, de plus en plus, des méthodologies et bonnes pratiques s'imposent pour l'atteinte du "Net Zéro" à l'échelle des organisations.
Ainsi, bien que le GIEC ne distingue pas ces termes, leur usage différencié dans certaines stratégies climatiques répond à un besoin de cohérence et de transparence dans la mise en œuvre des objectifs climatiques.
Si les termes "neutralité carbone" et "zéro émissions nettes" sont synonymes d'après le glossaire du GIEC, alors pourquoi un usage mal informé de ses termes est-il susceptible de provoquer tant d'effervescence ?
La distinction entre neutralité carbone et net zéro n’est pas simplement une question de vocabulaire, mais elle affecte directement les politiques climatiques et les stratégies mises en œuvre à différents niveaux. En effet, bien que le GIEC utilise les termes de manière interchangeable, leur différenciation dans le cadre des politiques climatiques peut avoir des implications profondes, notamment en termes d'objectifs, d'engagements et de suivi des progrès. Cette distinction est cruciale pour le suivi des progrès dans l’atteinte des objectifs climatiques.
La neutralité carbone est une ambition mondiale qui nécessite une action coordonnée à l'échelle planétaire, ce qui se reflète dans les engagements internationaux des gouvernements. La mise en œuvre de cet objectif mondial exige une coopération forte entre pays industrialisés et en développement, chacun devant contribuer à cette neutralité selon ses capacités et responsabilités historiques.
À l’inverse, l’objectif de net zéro est souvent plus appliqué à des acteurs spécifiques. Le net zéro implique une réduction substantielle des émissions dans ces entités, complétée par des actions en faveur du renforcement de puits de carbone, via des projets comme la reforestation ou la capture du carbone.
À ce jour, la norme "net-zéro" de la Science Based Target Initiative propose la définition du "net-zéro" appliquée à l'entreprise qui semble la plus solide, et une méthodologie sur laquelle les entreprises peuvent s'appuyer dans la mise en place de leurs objectifs de réduction. Pour être validées par la SBTi, les stratégies des entreprises doivent inclure au moins 95% des scopes 1 & 2, et 67% de leurs émissions du scope 3 dans leurs objectifs de réduction pour 2030 (Near-term SBTs) et au moins 95% à l'horizon 2050 (Long-term SBTs).
L'introduction de cette distinction permet également de mieux contrôler les risques de greenwashing et renforcer la transparence des engagements climatiques. En effet, le terme net zéro impose des réductions réelles et vérifiables des émissions. Il existe de plus en plus de contraintes, de réglementations et de normes encadrant la communication des entreprises sur leurs engagements climatiques, visant à garantir la transparence, l'exactitude et à éviter le greenwashing.
Ainsi, un pays ou une entreprise qui revendique un objectif net zéro est incité à revoir son modèle économique, à réduire ses émissions directes et à ne pas se contenter de compensations insuffisantes ou peu fiables. À l’inverse, la neutralité carbone globale, qui repose sur des mécanismes de compensation à l’échelle mondiale, pourrait encourager des revendications trompeuses si elle n’est pas correctement encadrée. Cette distinction vise donc à éviter les pratiques de greenwashing, où des entités se déclarent "neutres en carbone" tout en continuant à générer des émissions importantes sans mettre en place de réelles stratégies de réduction.
En réservant le terme "neutralité carbone" à l’échelle mondiale et en appliquant le "net zéro" à des entités spécifiques, on peut mieux évaluer la sincérité et l’efficacité des engagements climatiques. Cette rigueur terminologique vise à éviter toute idée erronée selon laquelle un acteur isolé pourrait atteindre un équilibre parfait sans dépendre d’une dynamique collective. Par ailleurs, de plus en plus, des méthodologies telles que la norme "net-zéro" de la Science Based Target Initiative s'imposent pour l'atteinte du "Net Zéro" à l'échelle des organisations. Le net zéro exige un engagement plus concret et mesurable.
En août, la Loi Climat et résilience (LOI n° 2021-1104 du 22 août 2021) portant sur la lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets, stipule que les entreprises ne peuvent plus revendiquer la neutralité carbone de leurs produits ou services, à moins de répondre à trois conditions :
fiabilité et comparabilité : Assurer que les allégations environnementales soient fiables, comparables et vérifiables à travers l'UE.Environment
protection des consommateurs : Protéger les consommateurs contre le greenwashing en fournissant des informations transparentes et précises.
promotion d'une économie verte : Faciliter la transition vers une économie circulaire et verte en permettant aux consommateurs de faire des choix éclairés.
Renforcer la confiance des consommateurs : Assurer que les informations fournies sur les produits permettent des choix éclairés et authentiques.
Promouvoir des pratiques commerciales transparentes : Encourager les entreprises à adopter des allégations environnementales vérifiables et à éviter le greenwashing.
Cette directive doit être transposée dans les législations nationales des États membres avant le 27 mars 2026.
En conclusion, bien que les termes "neutralité carbone" et "net zéro" soient souvent utilisés de manière interchangeable, leur distinction est essentielle pour garantir la transparence et la crédibilité des engagements climatiques des entreprises. La neutralité carbone, qui vise un équilibre global des émissions de gaz à effet de serre, ne doit pas être confondue avec le concept de net zéro, qui implique des actions spécifiques et mesurables à l'échelle des organisations. Dans un contexte de durcissement des régulations et de lutte contre le greenwashing, il devient crucial pour les entreprises de comprendre et d'appliquer correctement ces concepts pour éviter toute ambiguïté et préserver la confiance des consommateurs. L'essor des normes et des lois, telles que la directive européenne de mars 2023, permet d'encadrer les allégations environnementales, en renforçant les exigences de transparence et de vérifiabilité. En adoptant des pratiques responsables et transparentes, les entreprises pourront non seulement répondre aux exigences réglementaires, mais aussi contribuer de manière significative à la lutte contre le changement climatique.
Sources :